Société/Environnement
Gabon/ interdiction de la vente de sachets d’eau par l’AGASA: un défi de gouvernance scientifique et sanitaire
[L]’annonce, le 27 octobre 2025, de l’Agence Gabonaise de Sécurité Alimentaire (AGASA) interdisant la vente de sachets d’eau soulève des interrogations majeures quant à la rigueur scientifique et la proportionnalité de cette décision. Au-delà d’un simple produit, l’eau destinée à la consommation humaine est un vecteur vital et un indicateur clé de la gouvernance sanitaire d’un pays.
L’eau potable ne saurait être considérée comme un simple bien de consommation. En tant qu’aliment à part entière, elle doit répondre aux mêmes exigences de sécurité, qualité et traçabilité que tout produit alimentaire. La sécurité sanitaire de l’eau illustre la performance du système de santé publique et la maturité réglementaire d’un État. Ainsi, toute mesure affectant ce produit essentiel engage la souveraineté alimentaire nationale et le droit constitutionnel des Gabonais à une alimentation.
Dans ce sens le Dr Patrick ENKORO, ancien DG de l’AGASA a fait une sortie disant que «Le peuple voudrait savoir quels sont les faits tangibles révélés, étayés scientifiquement et dont l’ampleur systémique menacerait la santé des consommateurs gabonais au point d’interdire en tout état de cause la distribution et la commercialisation des eaux en sachet ?». Rappelant au passage que «la sécurité sanitaire et nutritionnelle des aliments n’est pas un jeu mais un enjeu majeur de souveraineté nationale, elle poursuit l’objectif de bien nourrir les gabonais et non de faire du tintamarre».
En effet , la méthodologie scientifique est un impératif pour toute décision de restriction sanitaire. L’évaluation des risques doit suivre un protocole rigoureux comportant identification et caractérisation des dangers, évaluation précise de l’exposition et caractérisation du risque global. Sans données robustes et transparentes, une décision d’interdiction perd toute crédibilité et fragilise l’autorité de l’AGASA.
La note administrative récente de l’AGASA n’apporte pas de réponses claires sur la base analytique de la décision. Aucun détail quant au nombre d’échantillons, aux méthodes utilisées, ni à la répartition géographique des résultats n’a été communiqué. Cette absence de données claires va à l’encontre du principe fondamental de proportionnalité et remet en cause la légitimité d’une interdiction généralisée, sans distinctions par opérateurs ou zones.
Une interdiction mal étayée peut avoir des effets contraires à ceux escomptés :Sur la santé publique dans la substitution par des sources d’eau non contrôlées, augmentation des risques sanitaires.Sur les opérateurs économiques, avec des pertes financières, faillites et découragement des acteurs responsables. Sur la crédibilité de l’AGASA avec la perte de légitimité scientifique et affaiblissement de la gouvernance sanitaire.
L’AGASA devrait privilégier une approche constructive fondée sur la preuve et la proportionnalité, avec trois axes majeurs :
– Publication d’analyses certifiées et communication transparente des résultats;
– Adoption de mesures ciblées adaptées aux opérateurs, lots et zones concernées;
– Mise en place de plans correctifs intégrant contrôle, accompagnement technique et renforcement des capacités.
Pour restaurer sa crédibilité et son autorité scientifique, l’AGASA devrait publier un rapport détaillé et circonstancié des analyses. Laquelle placée sous l’autorité du ministère de l’accès universel à l’eau a pour attribution la délivrance des agréments techniques pour la production, la conservation et la distribution de l’eau potable.
En plus d’impliquer les ministères sectoriels concernés dans la prise de décision. Notamment la Direction générale de L’eau, Elle pourrait également créer un comité scientifique indépendant. Et renforcer la formation continue de ses équipes.
La sécurité sanitaire de l’eau ne peut être instrumentalisée par des décisions administratives sans fondement scientifique solide. La vraie autorité scientifique s’appuie sur la preuve, la rigueur et la transparence, dans le respect de la proportionnalité des mes’pures. L’AGASA doit rester le rempart scientifique contre le risque alimentaire et non devenir un outil de gestion politique.
