Tribune
Réflexion citoyenne/Équipement, modernisation, développement : sortir de la confusion pour entrer dans l’efficacité
Dans l’après-transition, le Gabon s’est engagé dans une dynamique de transformation de son appareil d’État. De nouveaux chantiers voient le jour, des annonces fusent, les projets s’accélèrent. Mais à mesure que les mots « modernisation », « équipement » et « développement » se multiplient dans le discours public, une confusion préoccupante s’installe : on les utilise comme s’ils désignaient une seule et même réalité. Or, les confondre, c’est compromettre la clarté de l’action publique et l’efficacité des réformes.
I. Équiper n’est pas transformer
L’équipement est souvent la première étape visible du changement. Il répond à un besoin matériel : construction de bâtiments, achat de véhicules, déploiement d’ordinateurs, pose de câbles à fibre optique, etc. Il est nécessaire, mais pas suffisant.
Dans l’administration gabonaise, des directions centrales peuvent être bien dotées mais toujours dysfonctionnelles, simplement parce que les processus humains et organisationnels restent obsolètes. Un hôpital flambant neuf ne sauve pas plus de vies s’il n’a ni médecins formés, ni système de gestion fiable.
II. Moderniser, ce n’est pas développer
La modernisation va plus loin. Elle vise à améliorer le fonctionnement de l’existant : digitalisation des services, simplification des procédures, dématérialisation des démarches, réorganisation interne. C’est un progrès. Mais elle reste un moyen, non une finalité.
Moderniser une administration ne garantit pas que le citoyen sera mieux servi, ni que le service public gagnera en légitimité. La modernisation peut parfois même aggraver les inégalités d’accès si elle n’est pas accompagnée d’une inclusion numérique.
III. Le développement, une affaire de résultats durables
Le développement est la finalité politique et sociale. C’est lui qui donne son sens à l’équipement et à la modernisation. Il se mesure non pas par la quantité de projets lancés, mais par l’impact sur la qualité de vie des populations.
Un pays se développe lorsque ses enfants apprennent dans de bonnes conditions, que ses routes réduisent la précarité, que ses services publics restaurent la confiance. C’est une dynamique globale, progressive et citoyenne. Et surtout : le développement ne se décrète pas, il se construit.
IV. L’exemple du Japon, ou la leçon du Kaizen
Le Japon d’après-guerre a compris cela en misant sur la méthode Kaizen : l’amélioration continue. Dans ce modèle, le changement se fait par petits pas, mais avec rigueur, patience et participation de tous.
“Faire un peu mieux chaque jour, ensemble, sans relâche.”
C’est une approche que le Gabon gagnerait à adopter. Car le développement ne viendra pas d’un sprint, mais d’une marche résolue. Et dans un pays qui dispose de sept années de mandat pour refonder son modèle, il n’y a pas de raison de courir — mais toutes les raisons de bien faire.
Recommandations pour une politique publique lucide
1. Clarifier les objectifs dans chaque projet gouvernemental : s’agit-il d’un équipement, d’une modernisation ou d’une politique de développement ?
2. Insister sur la chaîne de valeur : un bon projet commence par un bon diagnostic, et se termine par un bénéfice mesurable pour les citoyens.
3. Évaluer systématiquement l’impact de toute action publique : non pas ce qui a été fait, mais ce qui a changé dans la vie des usagers.
4. Sensibiliser les responsables publics à la méthode Kaizen, en favorisant la rigueur, la redevabilité et la formation continue.
Le Gabon nouveau ne pourra réussir sa transformation qu’à la condition de ne plus confondre visibilité et efficacité.
L’équipement est un outil.
La modernisation est une méthode.
Le développement est un horizon.
C’est en articulant les trois, avec lucidité et exigence, que nous parviendrons à bâtir un État vraiment au service du peuple.
Par Prime BOUNGOU OBOUMADZOGO,
Doctorant en administration des affaires,
Exécutive MBA, chercheur
Auteur du livre « 10 principes qui ont fait de Joseph le Prince d’Égypte »