Tribune
Gabon: quid de la dissolution & de la création de l’ANUTTC ? par Stephane ESSONE ONGBWA
Le domaine du foncier en République Gabonaise nécessite des réformes importantes tant larges que profondes, ces différentes réformes doivent s’articuler autour de deux grands axes que sont, le cadre juridique et le cadre institutionnel (cadre structurel). Mais pour ce premier numéro, qui sera le début d’une longue série d’article je l’espère et qui est la conséquence d’une initiative patriote qui vise d’une part à porter à la connaissance des plus hautes autorités et des gabonais les réflexions que nous menons depuis plusieurs années aujourd’hui et d’autre part apporter des solutions idoines face aux multiples problèmes du foncier et qui sont devenus légion dans notre pays. Ainsi partant de ce qui précède, il conviendra tout au long de notre argumentaire de s’appesantir de façon objective sur le cadre institutionnel de domaine foncier plus précisément le cas de l’ANUTTC.
Mais avant de pleinement rentrer dans le vif du sujet, nous tenons à dire que l’ANUTTC est un acteur incontournable dans la procédure qui vise à acquérir la qualité de propriétaire. En revanche, la question de son maintien ou sa dissolution se pose avec acuité. Face à ce dilemme, nous affirmons que l’ANUTTC telle qu’elle existe, doit purement et simplement être dissoute et cela pour multiples raisons.
S’il nous était donné l’occasion de discuter sur la durée d’une agence ayant les finalités semblables à celles de l’ANUTTC, dans d’autres domaines pas moindres, la durée d’exercice de ce type de structure varie généralement entre deux et trois (2 à 3) ans maximum. Nous parlons sous le contrôle du Professeur Albert ONDO OSSA candidat à la présidentielle d’Aout 2023 au GABON. Il est de rigueur de constater qu’après la création de l’ANUTTC à travers le décret du 29 décembre 2011, modifié par le décret 702 /PRIMPITPTHTAT du 17 juillet 2013, ladite agence cumule à ce jour près de quatorze (14) ans d’existence. On est alors en droit de se poser la question de savoir si les autorités compétentes ont véritablement trouvé des solutions définitives pour l’administration adéquate du foncier au GABON ? Etant donné que « l’agenciarisation » d’un domaine de l’Etat constitue une solution temporaire ou provisoire laissant ainsi aux autorités le temps de mettre en place ou d’établir par les textes, un organe solide compétent disposant de pleins pouvoirs doit être consacré pour gérer administrativement cette question d’ordre existentiel.
C’est aussi pour nous l’occasion d’évoquer les liens ou les rapports que cette agence entretient avec le Ministère de tutelle. Ainsi de l’interprétation qui découle de l’article 2 du décret du 29 décembre 2011 portant création et organisation de l’ANUTTC. Il en résulte que ladite agence est placée sous la tutelle technique du Ministère, vous comprendrez aisément que non seulement, il y a un simple lien technique entre l’agence et le Ministère mais qu’également, il y a une quasi absence d’une tutelle administrative du Ministère sur cette structure : on ne peut pas trouver de lien de subordination plus léger. Cette situation nous amène à penser que ladite agence échappe au contrôle du Ministère. Nous sommes alors face à une super agence ! Chose plus troublante, cet état de fait est consacré à travers l’article 3 alinéa 1 du même décret qui dispose que « L’agence est dotée de la personnalité juridique et jouit de l’autonomie administrative et de gestion financière ». Ainsi, nous sommes en droit de nous poser la question de savoir si l’ANUTTC n’est pas le véritable patron de l’administration foncière au GABON ? A qui rend-elle des comptes et dans une autre mesure, quels seraient les contrepouvoirs qui pourraient l’amener à ne pas abuser de sa place incontournable dans ce domaine ? Nous vous renvoyons à l’ouvrage de MONTESQUIEUX, « De l’esprit des lois ».
Nous ne serons mettre en lumière toutes les zones d’ombre de cet article 3 du décret susvisé sans évoquer la question de sa représentativité. Il est bien connu que l’ANUTTC peine à avoir des représentations provinciales même si, il faut admettre que des efforts sont fait dans ce sens. Mais le véritable problème que nous voulons soulever à travers cette question de représentation c’est celle de la compétence, le conflit de compétence entre le Cadastre de NTOUM et l’ANUTTC illustre bien, cette situation des plus dommageables pour les populations. En effet, la régularisation ou du moins l’enregistrement de certaines terres jusqu’à un passé récent s’opéraient au niveau du Cadastre de NTOUM ayant ainsi pour conséquence la prolifération des cas de spoliation des terres avec la quasi absence de la centralisation et la mise en place d’un fichier national par l’ANUTTC. Il n’est pas étonnant de constater tous ces problèmes en matière foncière auxquelles les populations sont confrontées. Ce qui par conséquent remet en cause sa légitimité sur le plan national. D’ailleurs à juste titre, qui n’a pas souvenance d’avoir vu à travers les chaines de média, de nombreuses personnes faire le pied de grue devant le siège de l’ANUTTC aux motifs qu’elle serait impliquée dans les faits de spoliation des terres ou encore qu’elle aurait été trop complaisante à l’égard du plus offrant. Là encore on est en droit de s’interroger si l’ANUTTC ait trouvé satisfaction auprès des populations ?
D’autre part, sauf erreur ou omission de ma part, l’article 4 modifié en matière domaniale relatif à l’établissement et à la délivrance des actes, il n’est pas fait mention de l’obligation de publication desdits actes au journal officiel. Ce qui a pour conséquence d’entrainer une opacité dans la gestion des biens publics. Comme exemple d’opacité, vous vous souviendrez de l’affaire des hôtels de l’Etat gabonais qui seraient devenus la propriété des personnes physiques.
Aussi, il convient de relever au chapitre premier, De la création et des attributions, article 4 modifié, l’ambigüité relative à l’alinéa dernier « L’Agence nationale de l’Urbanisme, des Travaux topographiques et du Cadastre peut recevoir des pouvoirs publics toute autre mission relevant de sa compétence ». En effet, à l’issu de sa création jusqu’à ce jour le champ de compétence de l’agence a évolué en l’absence officielle de décret ou décision des pouvoirs publics. En d’autres termes, sur quel fondement juridique à l’article 4, l’ANUTTC convie-t-elle les populations ayant acquises avant ou après leurs propriétés sans le concours de l’Etat à régulariser ledit bien ? De même, conformément à l’article précité sur la création et les attributions, l’ANUTTC n’a pas compétence à trancher les litiges qui lui sont soumis.
Au regard de ce qui précède, il résulte que l’ANUTTC a créé beaucoup plus de problèmes qu’elle en a résolu mais également, elle a hérité des problèmes issus du dessaisissement ou du conflit des autorités juridictionnelles compétentes dans ces affaires. C’est la raison pour laquelle nous suggérons la création de l’ANUTTC, l’Autorité Nationale de l’Urbanisme, des Travaux Topographiques et du Cadastre, ayant des compétences larges, variées et limitées sous le contrôle des experts formés en matière foncière.
Stephane B ESSONE ONGBWA
Juriste