Société/Environnement
Crise des valeurs au Gabon, mythe ou réalité ?
La conscience du bien et du mal serait-elle en voie de disparition au Gabon ? La nouvelle d’un adolescent braqueur, abattu froidement de deux balles dans le dos par un agent des forces de l’ordre anonyme, a récemment ranimé les débats autours de cette question. N’était-ce que juste justice ? Ou en dépit du mal causé par le jeune homme, sa mort est déplorable ? Sur ces différentes interrogations, les avis sont partagés, cristallisant le sentiment d’une société à la croisée des chemins, confuse et indécise sur la direction qu’elle doit emprunter. En attendant, elle se meurt inexorablement et ne semble pas pouvoir échapper à son déclin.
Les histoires, aussi rocambolesques les unes que les autres, sont légion. Ces dernières années, il semble que le Gabon ait basculé dans un cycle de violence mortelle sans précédent. Les uns en veulent pour preuve le fait qu’il ne se passe un seul jour sans que l’on entende parler d’une affaire de meurtres entre lycéens ou collégiens, entre concubins ou rival.e.s, entre agresseur et victime.s. Le dénominateur commun : la mort, qui ponctue toute opposition entre citoyens de ce même pays.
Oui. Se résoudre à ôter la vie à son prochain semble être la voie de premier recours dans la résolution des conflits entre frères et soeurs dans les familles, entre locataire.s et loueur.s, entre amant.e.s trompé.e.s, etc. C’est qu’on a le sentiment de plus en plus prégnant que la société vit dans un cercle infernal et fatal au sein duquel le seul moyen de s’en sortir sain et sauf est de regarder sans voir, entendre sans écouter, parler sans rien dire. Le Gabonais est devenu le plus grand spectateur de sa vie.
À l’image des tam-tam, la société gabonaise s’est tue. Elle s’est engourdie, à tel point qu’elle s’est endormie, lasse sinon lâche face à l’injustice, l’iniquité, la maltraitance, la malgouvernance, la précarité, la promiscuité et la fatalité. Elle souhaite s’éteindre, désabusée. Opprimée, elle est sans défense, se résout à ne pas se défendre. Et puis, quand un tant soit peu, point la lumière aveuglante d’une justice, transfigurée dans un “mamba” ou un “scorpion”, elle lève la tête et ouvre enfin les yeux. Mais aussitôt l’éclair de justice passé, dans la caverne elle retourne, désenchantée. Elle a peur. La mort fait peur.
C’est pourquoi la société est profondément divisée. Incapable sur le sort des méchants, de s’accorder. En attendant, elle se meurt inéluctablement, incapable de s’approprier son destin fermement. La voie est laissée libre, au tout-venant, du mal le plus offrant. Prévaricateur, voleur, cambrioleur et surtout… administrateur. La justice ? Jamais entendu parler. Mais deux balles dans le dos, c’est suffisant pour se la rappeler. Qui doit rendre justice ? Où est la justice ? Elle est là, elle est en chacun de nous. Elle n’est jamais partie, détrompez-vous.
Le vieux prélat sud-africain n’a t-il pas dit : « Si tu es neutre en situation d’injustice, alors tu as choisi le côté de l’oppresseur». Alors qui est l’oppresseur ? Ne cherchez pas loin, c’est vous, c’est moi. Car quand je vous parle de vous, je vous parle de moi. Ah ! Insensé qui pense que je ne suis pas toi, rester neutre face à l’injustice, c’est justement choisir son camp. Mais le camp de la force doit être juste, et la justice doit être forte. Mais la justice qui sème la mort, est-elle réellement forte ? La mort qui s’invite dans les grands carrefours, les rues faiblement éclairées, les quartiers mal intégrés est quant à elle, au delà du réel.
Le dilemme du bien et du mal, de la justice et de l’inégalité, trouve sa solution dans la responsabilité. Pour l’administrateur l’on parle de comptabilité. Pour le tueur, son destin est la fatalité. Qui tue par l’épée périra par l’épée. En cela, personne n’est épargné. En fin de compte, bon ou mauvais, l’on récolte toujours ce que l’on a semé. De quelque côté que nous nous tenons, soyons responsables de nos actions. Voyez-vous, la morale se trouve dans cette simple leçon. Mais qu’en dira-t-on ? Mamba ou scorpion, à chacun de répondre à cette question.