Politique
Gabon: l’instabilité gouvernementale plombe l’action publique et éloigne les investisseurs
L’on a pour coutume de dire que l’Etat est une continuité. Mais sous l’actuel magistère, l’Etat gabonais s’apparente plus à une suite discontinue de pièces théâtrales où chaque personnage dispose d’une heure de gloire qui ne dure que le temps d’un instant. Ces dernières années, les changements de gouvernement et donc de ministres et souvent de premiers ministres se sont multipliés à une vitesse exponentielle, à telle enseigne que l’Etat ne vit que pour survivre à lui-même, sans possibilité de servir correctement les citoyens. Ce qui a pour autre conséquence de faire fuir les investisseurs.
Deux à six mois. C’est la moyenne de temps qu’un ministre gabonais demeure en fonction. Si l’on demande à dix collégiens qui est le ministre de l’Education Nationale, l’on peut parier sans crainte de perdre sa mise, que neuf d’entre eux n’auront pas la réponse. Mais dans ce cas hypothétique, l’on ne peut leur en vouloir. L’Etat gabonais vit depuis plusieurs années, au rythme de remaniements ministériels successifs et à court terme. À tel point que la nomination à une fonction ministérielle apparaît plus comme une tentative d’humiliation qu’une reconnaissance de la compétence pour le poste.
La paix n’est pas seulement l’absence de guerre, dit-on. Cette sentence trouve tout son sens au Gabon, où le climat d’instabilité gouvernementale décrit précédemment, a fini de faire fuir les investisseurs loin de la destination Gabon. Nos confrères de l”Agence Gabonaise de Presse” (AGP) en veulent pour preuve, la dégringolade du pays dans le rapport Doing Business 2019 de la Banque Mondiale, qui s’écrase à la 169è place. C’est connu de tous les pays avisés qui souhaitent emprunter la voie du développement : les investisseurs ont en horreur l’instabilité politique. L’on comprend alors que le cinéma perpétuel qui se joue dans les rangs des décideurs, le ballet des ministres qui vont et viennent à tout va et en tout temps, ne sont pas de nature à les rassurer et les convaincre de la sécurité et de la prospérité de leurs affaires en terre gabonaise. Et ils n’ont pas tort.
En effet, le départ d’un ministre n’est pas sans conséquence sur la conduite des politiques publique d’un pays. Sous nos tropiques, un ministre qui s’en va, cela signifie un arrêt des projets initiés, un rétropédalage sur les engagements pris, une annulation des contrats avec les entreprises et bien d’autres désagréments qui plombent tout l’écosystème du secteur sur lequel il avait un regard. C’est ce chambardement qui découle des départs incessants de ministres qui crée ainsi un climat d’affaires précaire, effrayant pour les investisseurs, soucieux de la bonne marche de leurs affaires. D’ailleurs, le Gabon pousse le vice plus loin avec ce particularisme qui veut que certains ministres se font souvent la malle avec les biens appartenant à l’Etat : voitures, équipements, matériels de bureau, immobilier, etc.
Cette situation d’instabilité institutionnelle est d’autant plus incompréhensible que l’Etat bénéficie d’une majorité plus que confortable au Parlement. Les gouvernements qui se succèdent dans des délais courts sont souvent observés dans les régimes parlementaires où le chef d’Etat ou de Gouvernement dispose d’une majorité fragile au Parlement. C’est donc que le jeu de chaises musicales qui a cours au sein du Gouvernement n’a pas de raison d’être. Sinon comment attendre des résultats concrets lorsque les officiants aux postes ministériels n’ont que le temps de poser leurs valises et sont ensuite évincés ? Comment s’inscrire dans une logique de résultats alors que l’on ne laisse pas la place aux actions qui amènent ceux-ci ?
Du côté des gouvernants, l’on serait tenté de rétorquer que l’heure est à l’évaluation des politiques publiques, et que les ministres débarqués ne le sont qu’après constat des (mauvais) résultats. Convenons. Mais sur quelles bases les juge-t-on ? Et mieux, après combien de temps est-on susceptible d’attendre des résultats concrets de la part d’un ministre ? Car en règle générale, les projets à plus court terme sont exécutés entre six mois et un an. De plus, au vu des changements répétés de gouvernement, est-ce donc à dire que les personnes nommés puis virées ont toutes été incompétentes? Si la réponse est positive alors l’on peut conclure que la racine se trouve dans le choix des personnes.
Et si le problème de fond tient au choix des personnes, alors l’on peut situer les responsabilités. Et dans le cas du gouvernement, la responsabilité première incombe au chef de l’Etat et accessoirement à son Directeur de Cabinet qui a un regard décisif sur les nominations au Gouvernement. Les mauvais choix conduisent aux mauvais résultats. C’est un principe simple. Il revient donc au concernés, de faire le choix des personnes compétentes et qualifiées pour une redynamisation de l’action publique, récemment tombée dans l’inertie totale du fait des changements incessants intervenus au niveau des décideurs. C’est au pied du mur que l’on juge le maçon, mais encore faut-il avoir la possibilité de bâtir ce mur. À bon entendeur…